Le démarrage des travaux de construction du port en eaux profondes de Banana dans la cité côtière de Moanda piétinent encore. Et pour cause ? A ce jour, une délégation composée de quelques membres du Gouvernement dont les ministres Molendo Sakombi des Affaires Foncières, Julien Paluku de l’Industrie, Pius Muabilu de l’Urbanisme et Habitat…, s’est envolée pour les Emirats Arabes Unis, afin de rencontrer les responsables de la firme DP World, partenaire de la RDC dans la construction de l’ouvrage précité.
Il est question d’échanger autour des conditions suspensives, en vue de l’opérationnalisation de ce port en eaux profondes, dont la première phase devra être opérationnelle en 2025, avec un quai de 600 mètres et d’une plateforme de stockage de 25 hectares, soit une capacité annuelle de plus de 300.000 conteneurs, soit plus de 1,3 million de tonnes de marchandises.
Néanmoins, cette mission gouvernementale aux Emirats Arabes Unis qui s’effectue quelques jours après la pose de la première pierre en janvier dernier par le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, suscite des critiques et commentaires de la part de quelques analystes et spécialistes. Ces derniers restent d’avis que, si le gouvernement de la RDC devra encore négocier la levée des conditions suspensives en vue de l’opérationnalisation de ce port, cela veut simplement dire que les négations sont toujours en cours.
Pour ce faire, la question que se posent ces analystes et spécialistes, est celle de savoir : pourquoi avoir fait déplacer le Chef de l’Etat et mobiliser des ressources exorbitantes pour un projet dont les négociations n’étaient pas encore bouclées ? Et quelles sont ces conditions suspensives qui doivent encore être levées, alors que la première a déjà été posée ? Autant des questions qui resteront suspendues sur les lèvres des Congolais.
Amateurisme politique ou excès de zèle ?
Alors que la RDC a toujours cherché à se relever depuis la nuit des temps sur le plan économique, des fortes sommes d’argent continuent d’être dépensées au détriment de la population, estiment nos analystes, qui reviennent sur les différentes cérémonies de pose des premières pierres pour la construction des édifices et/ou ouvrages publics à travers le pays, mais dont les réalisations ne suivent pas toujours.
Si l’organisation de la cérémonie de la pose de la première pierre du port de Banana a été saluée et applaudie par plus d’un patriote congolais en raison de l’importance de l’ouvrage à réaliser et de la valeur marchande qu’elle va offrir au pays, la population dénonce cependant le fait que toutes les négociations n’étaient pas encore finalisées.
Des millions de dollars engloutis pour rien ?
S’il faut reconnaître que l’activité en soi est à placer dans l’actif de Félix-Antoine Tshisekedi, en ce sens qu’elle permettra à la RDC de se connecter aux voies commerciales mondiales et réduira sa dépendance vis-à-vis des pays voisins d’une part, et fera de la RDC un pool d’attraction sur le plan économique au niveau continental d’autre part, il y a lieu de décrier le travail des collaborateurs du Chef de l’Etat. « Ces derniers ne devaient pas se précipiter d’inviter le président de la république à la pose de la première comme s’il s’agissait d’un défi. Ils devaient plutôt s’assurer que tout était au point et que rien ne pourrait empêcher le démarrage des travaux, car aujourd’hui avec le déplacement de cette délégation gouvernementale, le trésor public perd de l’argent en termes de paiement des frais de mission », a déploré l’un de nos analystes.
Des pierres posées, mais les ouvrages non réalisés !
Si les congolais de toutes tendances politiques confondues attendent avec impatience le finissage des travaux de la première phase du port en eau profonde de Banana dans deux ans, il y a lieu de rappeler que, plusieurs autres pierres ont été posées à Kinshasa, mais dont les travaux piétinent ou ne se réalisent plus du tout.
C’est le cas de la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN), pillée en 1991 et 1993, mais dont les tentatives de réhabilitation ont été amorcées par le pouvoir de feu Laurent Désiré Kabila, avec la pose de la première pierre par l’ancien vice-président de la république en charge de la Reconstruction, feu Yerodia Abdoulaye Ndombasi.
Yerodia Abdoulaye Ndombasi
Six (6) pavillons seulement sur les 22 pavillons avaient été réhabilités à l’époque jusqu’à ce jour, où l’institution foraine est transformée en Camp policier.
C’est également le cas de l’Aérogare de N’Djili, où l’ancien président de la république, Joseph Kabila avait procédé en mai 2018, à la pose de la première pierre, au cours d’une grandiose cérémonie prise d’assaut par toute la crème politique et les militants du Parti du Peuple pour la reconstruction et le développement, et d’autres partis politiques alliés. A ce jour, les travaux se sont arrêtés depuis l’avènement du nouveau régime conduite par le président Félix Tshisekedi.
En août 2020, le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi, a procédé à la pose de la première pierre d’une future centrale solaire photovoltaïque dans la grande banlieue de Kinshasa, en vue de renforcer la desserte en électricité dans la capitale congolaise. Aujourd’hui, on ne connait pas le niveau atteint par les travaux.
Au mois de juillet 2021, le Chef de l’Etat a posé la première pierre pour la construction du poste 220 Kv de Kinsuka et réseaux de distribution associés, un projet en complément de la centrale hydroélectrique de Zongo II. Là aussi, la population espère que les travaux se poursuivent pour l’intérêt général, surtout que près de deux millions de personnes seront des bénéficiaires.
Au mois de septembre 2020, le gouverneur de la ville-province de Kinshasa, Gentiny Ngobila avait procédé à la pose de la première pour la construction d’un marché moderne à Matadi Kibala, avec maquette à l’appui. Mais hélas, ce projet est également resté sans suite, jusqu’à l’avènement du drame qui a causé la mort de 26 compatriotes le 2 février 2022.
Récemment, soit le 17 janvier 2022, le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, a procédé au lancement des travaux de la construction du mémorial qui sera érigé en mémoire du héros national, Patrice Emery Lumumba, au pied du monument du même nom à l’Echangeur de Limete. On se demande là aussi, si les travaux sont toujours en cours.
Que conclure ?
Au regard de ce qui précède, nos analystes estiment que les caisses du trésor public ont plutôt besoin d’être renfloué que de subir d’énormes décaissements des sommes, qui pouvaient pourtant être évités. Selon eux, l’histoire de la pose de la première pierre devra être bannie en RDC, au motif que des poses des pierres pour la réalisation des projets, sont restés fantôme.
Il est plus que temps, estiment-ils, que les autorités du pays puissent travailler pour inaugurer les ouvrages finis, en lieu et place d’effectuer d’énormes dépenses à travers la pose des premières pierres.
Forts de ces recommandations, ces analystes espèrent voir le port en eaux profonde de Banana être inauguré dans le délai ; c’est-à-dire en 2025 pour la première phase.
Analyse de José Wakadila