Après avoir rejoint le camp de l’ennemi en adhérant à l’AFC/M23, Daniel Safu, député national honoraire, dit avoir le soutien de tous les Ne Kongo dans son aventure anti-patrie.
Eugène Diomi Ndongala, un des notables Ne Kongo, n’a pas tardé à le recadrer dans cette interview accordée à MCP dont voici l’intégralité.
MCP : Daniel Safu, ancien proche de Moïse Katumbi, a rejoint la rébellion de l’AFC/ M23. Il dit avoir le soutien de tous les Ne Kongo. Eugène Diomi Ndongala, notable incontesté Ne Kongo, approuvez-vous ses propos ? Ou vous lancez un appel à la désolidarisation ?
Eugène Diomi Ndongala : En tant qu’Eugène Diomi Ndongala Nzomambu, leader de la Démocratie Chrétienne, je tiens à répondre avec la clarté et la fermeté que commande ma position au sein de la communauté Ne Kongo.
Permettez-moi d’abord de souligner un principe cardinal qui unit notre peuple : les Ne Kongo, fiers descendants du Royaume du Kongo, abhorrent la trahison plus que tout autre vice. Elle est une plaie qui ronge l’âme collective, un poison qui divise les frères et affaiblit la nation.
Chez nous, la loyauté est sacrée, forgée dans le feu de l’histoire et les épreuves. Trahir un allié, un mentor ou une cause commune, c’est se couper des racines ancestrales et inviter le chaos sur sa propre maison.
Les propos de Daniel Safu me remplissent d’une profonde désapprobation. Rejoindre l’Alliance Fleuve Congo/M23 – cette coalition rebelle soutenue ouvertement par des forces extérieures qui sèment la mort et la désolation dans l’Est de notre pays – n’est pas un acte de bravoure, mais une trahison flagrante. Prétendre avoir le soutien de « tous les Ne Kongo » est non seulement une illusion, mais une manipulation grossière qui instrumentalise notre identité pour légitimer une rébellion accusée de massacres, de déplacements forcés et d’exploitation minière illicite, au bénéfice d’un pays géocriminel.
Je n’approuve pas ses propos ; au contraire, je les condamne avec la vigueur d’un père qui voit un fils s’égarer dans les sables mouvants de l’opportunisme.
Quel message pouvez-vous adresser actuellement au peuple Ne Kongo ?
Le peuple Ne Kongo, uni par le sang et la mémoire de Nzinga Nkuvu, Kimpa Vita et Simon Kimbangu, ne saurait endosser une telle volte-face. Elle offense notre dignité collective et alimente les divisions que nos ennemis guettent.
Par conséquent, j’adresse solennellement un appel à la désolidarisation. À tous les Ne Kongo, où que vous soyez – de Matadi à Kinshasa, de Boma à la diaspora – je vous convie à rejeter publiquement cette alliance funeste. Que les notables, les chefs coutumiers et les militants de base se lèvent pour affirmer : nous ne sommes pas du M23 ! Nous sommes pour la paix, la souveraineté de la RDC et la justice sociale, non pour les armes étrangères qui dévastent et colonisent nos provinces.
Avez-vous un conseil à prodiguer à Daniel Safu ?
À Daniel Safu lui-même, je tends la main : revenez à la raison, rompez avec cette voie périlleuse avant qu’il ne soit trop tard. La porte du pardon est ouverte aux repentants, mais la trahison, une fois consommée, laisse des cicatrices indélébiles.
Au nom de tous les Ne Kongo, quel message transmettez-vous au chef de l’État Félix Tshisekedi ?
Au nom du peuple Ne Kongo, fier, loyal et profondément attaché à l’unité de la République Démocratique du Congo, je m’adresse directement à Son Excellence Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, président de la République et Chef de l’État, avec le respect dû à la fonction, mais aussi avec la franchise que m’impose mon statut de leader Ne kongo.
Excellence Monsieur le Président, Les Ne Kongo vous ont massivement soutenu en 2018 et encore en 2023, non par tribalisme, mais parce que vous aviez promis la restauration de l’État de droit, la fin de l’impunité, la paix à l’Est et la dignité pour tous les Congolais. Aujourd’hui, devant la trahison de certains des nôtres qui, comme Daniel Safu, choisissent la voie de la rébellion armée aux côtés du M23, nous tenons à vous réaffirmer, haut et clair, notre fidélité indéfectible à l’État congolais et à votre personne en tant que symbole de notre unité nationale. Mais cette fidélité n’est pas un chèque en blanc. Elle se nourrit du respect des engagements pris devant le peuple. C’est pourquoi, au nom de tous les Ne Kongo, je vous transmets ce message solennel et fraternel, mais ferme :
– Accélérez, sans plus attendre, la réforme profonde des Forces armées et des services de sécurité, afin que nos frères et fils originaires du Kongo Central, diaspora comprise, soient représentés à tous les niveaux de commandement, y compris les plus élevés. Il est intolérable que, 65 ans après l’indépendance, certains corps continuent d’être perçus comme des fiefs régionaux. L’armée doit refléter la diversité du Congo, sinon elle ne pourra jamais vaincre ceux qui exploitent nos divisions.
– Mettez fin immédiatement à la tolérance, voire la complicité passive, dont bénéficient certains officiers supérieurs qui, selon de multiples rapports crédibles (ONU, GEC, etc.), entretiennent des liens avec le M23/AFC. Le peuple Ne Kongo refuse de voir ses impôts servir à payer les salaires des traîtres déguisés en généraux.
– Protégez nos frères et sœurs de l’Est, quelle que soit leur origine. Quand le M23 tue, viole et pille à Goma, à Rutshuru ou à Masisi, il tue aussi des Ne Kongo déplacés, des Ne Kongo commerçants, des Ne Kongo étudiants. Nous ne voulons pas d’une paix des cimetières, mais d’une victoire militaire claire sur l’agresseur rwandais et ses supplétifs congolais.
Enfin, Excellence, écoutez à nouveau le Kongo Central. Depuis trop longtemps, notre province est traitée comme une vache à lait fiscale sans contrepartie réelle en infrastructures, en emplois décents, en sécurité ainsi que représentation politique. Nous voulons des routes, des hôpitaux, des universités et surtout la fin de l’insécurité endémique qui gangrène Muanda, Matadi, Boma et Kasangulu.
Monsieur le Président, les Ne Kongo ne trahissent pas. Nous ne trahirons jamais la République. Mais nous demandons, en retour, que l’État ne nous trahisse pas non plus.
Que Dieu vous éclaire et vous donne le courage de faire ce qui est juste, même quand c’est difficile.
Interview réalisée par Lefils Matady/MCP















