Les élus du peuple ont adopté, à la plénière de ce vendredi 21 janvier 2021, la loi portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) à l’Assemblée nationale. Sur les 340 élus présents lors de cette adoption, 330 ont voté « oui » contre 08 « non », et 2 abstentions.
La ZLECAF, ambitionne de faire de l’Afrique le plus grand marché unique au monde, avec comme objectif la réduction des barrières douanières et la promotion des échanges intra-africains.
Cependant, l’adoption de cette loi a soulevé une grogne dans la sphère économique congolaise. Beaucoup estiment que la RDC est déjà perdante d’autant plus que le pays ne produit presque rien. Charles Ilongosi Lututa, expert en commerce international et participant au business forum de Kigali, pour le lancement de la ZLECAF de mars 2018 et de Niamey (2019), consacré à la mise en œuvre de ce marché, en tant que gérant de la société SECA (Société d’étude, conseil et audit), répond aux questions de Media Congo Press (MCP).
MCP : La RDC a adopté la loi portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), le vendredi dernier à l’Assemblée nationale, elle sera bientôt au sénat pour une seconde lecture. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Charles Lututa : J’ai accueilli la nouvelle favorablement. La ZLECAF découle d’un processus qui part de la conférence de Bandung (Indonésie) de 1955 des pays non alignés. On a toujours pensé créer un marché africain. Il s’agit d’un idéal qu’il faut réaliser. Il s’agit d’un combat pour l’indépendance économique africaine. L’intégration de la RDC à cette Zone de libre-échange est une bonne chose. Il faudrait juste tenir compte de certains préalables avant sa mise en œuvre.
MCP : Certains économistes estiment que le moment n’est pas propice pour la RDC d’intégrer la ZLECAF d’autant plus qu’elle ne produit presque rien. D’autres parlent même d’une victime expiatoire. Qu’en dites-vous ?
Charles Lututa : Entre ratifier un accord pour intégrer une organisation et la réalisation de sa mise en œuvre, il y a des étapes à franchir, or on en est pas là. Je dois vous dire que le gouvernement congolais ne s’est pas contenté d’adhérer sans pour autant réfléchir sur la mise en œuvre de la ZLECAF. Il y a eu déjà à ma connaissance un forum qui a été organisé pour la mise en place d’un comité national de la ZLECAF. C’est à ce comité de réfléchir sur l’élaboration des stratégies qui permettront à la RDC de pouvoir participer et tirer profit de son appartenance à la ZLECAF.
On ne doit pas condamner l’adoption de l’accord portant ratification de la ZLECAF mais il faudrait plutôt, comme le ministre du commerce extérieur l’a dit, tenir compte de l’impact de la ZLECAF sur la mobilisation des recettes nationales, et la protection de l’industrie locale. Je pense que s’il y a polémique ou incompréhension, il faut passer par une grande sensibilisation de ce processus. Nous ne pouvons pas réfléchir en termes de pertes.
MCP : Qu’est-ce que le gouvernement congolais doit faire avant la mise en œuvre de la ZLECAF ?
Charles Lututa : Lorsqu’on adhère à une zone de libre-échange, il faut au préalable créer un marché intérieur. Il faut que le pays dispose des petites et moyennes industries compétitives parce que le secteur privé sera le moteur de la ZLECAF. Ces petites et moyennes industries doivent produire les produits manufacturés, les biens de première nécessité localement, par exemple les produits agricoles. Aujourd’hui, on importe tout (riz, farine de manioc, sucre). Nous devons avoir une industrie locale pour produire ces biens localement afin de résorber la demande intérieure. Nous devons avoir à l’esprit les produits, biens et services que nous pouvons exporter aussi. Nous devons savoir limiter les exportations des produits de première nécessité. C’est le moment pour le Congo, de tirer avantage de toutes les richesses qu’il a, y compris la richesse minière, si nous appliquons une politique de transformation de la création des richesses localement.
La RDC est un pays essentiellement agricole. L’agriculture est le plus grand secteur porteur de croissance. Donc, c’est à partir de l’agriculture qu’il faut absolument diversifier l’économie. Mettre en place des petites et moyennes entreprises capables de produire, transformer localement, créer un marché intérieur et voir quels sont les produits dont nous avons la vocation exportatrice parce qu’avant l’indépendance, dans la balance commerciale du Congo belge, le pays était exportateur des produits agricoles. Le Congo exportait l’hévéa, le café, l’huile de palme. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée.
Djodjo Vondi