Politiquepriorite

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La question de l’adhésion à la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), continue d’alimenter la chronique. Dans une interview accordée à nos confrères d’Al Jazeera, M. Raymond Tshibanda, ancien ministre des Affaires étrangères sous Joseph Kabila et membre influent de la plateforme Front commun pour le Congo (FCC), a indiqué que les avantages économiques et sécuritaires attendus de l’adhésion de la RDC à l’EAC, sont hypothétiques et à long terme, tandis que les conséquences négatives sont presque certaines et immédiates.

Les mêmes règles communautaires poursuit-il, auront des effets plutôt pervers, notamment l’absence de progrès dans le développement industriel face à la concurrence des produits manufacturés bon marché des États membres les plus industrialisés de l’EAC. Par conséquent, cet ancien ministre des Affaires étrangères souligne qu’il n’y aura pas de résultats significatifs dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles du pays et une baisse drastique des recettes douanières due à la suppression des barrières tarifaires intra-communautaires.

A l’en croire, l’adhésion de la RDC à l’EAC résulte d’une décision politique sans fondement technique, irréfléchie, voire irresponsable, de la part d’un pouvoir qui ne comprend pas qu’entre États, seuls les intérêts comptent ; une puissance qui semble plus soucieuse de plaire aux dirigeants des pays voisins que de satisfaire ses propres exigences de sécurité et de compétitivité économique.

Comme il y a cinq ans, l’insécurité règne dans la région de la RDC frontalière de l’EAC. « Le pillage des ressources naturelles de la RDC, avec la complicité ou au profit de certains États membres de l’EAC se poursuit sans relâche », affirme ce cadre influent du PPRD et du FCC, avant d’ajouter que l’infrastructure et l’industrie de la RDC sont moins développées que celles de la plupart des autres États membres de l’EAC.

En outre poursuit Raymond Tshibanda, les recettes budgétaires propres de la RDC dépendent fortement des taxes à l’exportation. En bref, l’économie de la RDC est moins compétitive et moins résiliente que celle de l’EAC et de ses États membres. Dans ces conditions, compte tenu de la suppression implicite des barrières tarifaires et de la libre circulation des biens et des personnes au sein de la Communauté, l’adhésion de la RDC à l’EAC est incontestablement bénéfique pour les autres États membres. « Pour ne citer que quelques avantages : une croissance instantanée de 90 millions de nouveaux consommateurs sur le marché intérieur de la CAE ; une baisse du prix de revient des matières premières de la RDC sur le marché de l’EAC et une augmentation des échanges entre les États membres de l’EAC », fait-il remarquer.

En fin de compte, Raymond Tshibanda estime qu’il sera plus difficile de gérer les risques de sécurité pour le pays, en raison de la politique d’exemption de visa entre les États membres, et pire encore, de la politique consistant à compter sur les pyromanes pour aider à éteindre l’incendie qu’ils ont déclenché, et qu’ils travaillent sans relâche pour continuer de brûler.

Il soutient par ailleurs que pendant son mandat de ministre des Affaires étrangères, il y avait non seulement des opportunités pour rejoindre l’EAC, mais aussi des invitations récurrentes et pressantes à se joindre aux États membres et au secrétariat de l’organisation. En fait explique-t-il, pour l’EAC, faire en sorte que la RDC rejoigne la communauté a été le rêve de toute une vie. Compte tenu de la dotation en ressources naturelles, de la taille de son territoire et de sa population, l’adhésion de la RDC à l’EAC est considérée comme un changement de donne, pour les États membres et la communauté.

Raymond Tshibanda dit avoir refusé d’admettre cette adhésion, principalement pour des raisons de sécurité nationale et économiques. « Des études coûts-bénéfices menées par une équipe pluridisciplinaire d’experts congolais issus du gouvernement et du secteur privé, ont clairement établi que, pour notre pays, il y avait, à l’époque, plus à perdre qu’à gagner à rejoindre l’EAC », explique-t-il, soutenant que l’adhésion était donc prématurée et contraire aux intérêts de la RDC.

Au finish, ce cadre du PPRD conclut que l’adhésion de la RDC à l’EAC constitue néanmoins un défi supplémentaire pour son leadership, car le pays devra remplir des obligations parfois contradictoires vis-à-vis de deux communautés régionales économiquement et commercialement concurrentes qui sont à des niveaux de développement différents.

José Wakadila

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