• De l’instauration d’un Etat de droit à la réhabilitation des infrastructures, en passant par l’amélioration du social…, des slogans creux ?
• Aux dernières nouvelles, les salaires des fonctionnaires seront majorés de 30% dès la fin avril 2022.
26 avril 2021-26 avril 2022 : le gouvernement dirigé par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, baptisé « gouvernement des warriors » a totalisé une année de prestation. En effet, c’est le 26 avril 2021 que l’Assemblée nationale congolaise avait donné son aval pour l’entrée en fonction de la nouvelle équipe gouvernementale, au terme de la dissolution de la coalition FCC-CACH.
Une année durant, ce gouvernement éléphantesque de 56 ministres, dont 27 femmes, a été confronté à plusieurs défis : effritement du panier de la ménagère, grogne sociale dans plusieurs secteurs de la vie nationale (Etat de droit, transport, santé, éducation, lutte contre les Kulunas et détourneurs des deniers publics, réhabilitation des infrastructures routières, amélioration de la desserte en eau et en électricité, gestion de l’éruption du volcan Nyiragongo, gestion de la guerre de l’Est à travers l’instauration de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri, mais aussi et surtout amélioration du social de la population, conformément au slogan « Le peuple d’abord » légué à la nation, par le Sphinx de Limete, feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba).
Social et sécurité : les défis demeurent
Au sujet de l’amélioration des conditions sociales des Congolais, aucune avancée n’a été constatée, notamment sur la rémunération adéquate des agents et fonctionnaires de l’Etat. Le panier de la ménagère s’est effrité davantage et le congolais moyen ne mange pas à sa faim. Même si le gouvernement a négocié avec les enseignants du secteur de l’EPST (Enseignement primaire, secondaire et technique) et récemment avec celui de l’ESU (Enseignement supérieur et universitaire) pour la révision à la hausse de leur enveloppe salariale et de certaines conditions de vie, les intéressés souhaitent voir la concrétisation, le gouvernement étant spécialiste des promesses.
Certes, il faut admettre une certaine accalmie dans le secteur de la santé suite notamment à la prise en compte des revendications du personnel soignant par le gouvernement de la Republique, après la paralysie des activités au cours du mois de juillet 2021. Même chose dans le secteur des transports publics, où des efforts ont été consentis pour maîtriser la situation ayant prévalu au sein de la société Transco (Société des transports du Congo).
Cependant, sur le plan de la mobilité, beaucoup restent à faire malgré la mise à disposition de quelques bus Transco pour réduire tant soit peu les difficultés de transport, le problème persiste. Les privés font toujours la loi en imposant les prix de la course, au vu et au su du ministère de l’Economie nationale et de l’hôtel de ville de Kinshasa. L’absence des trains urbains constitue également un défi non négligeable.
Sur le plan de la sécurité des personnes et de leurs biens, le gouvernement Sama Lukonde dit des « warriors », n’a pas du tout excellé. Ses multiples promesses sur la fin de l’insécurité sous toutes ses formes n’ont pas été concrétisées. Au contraire, le phénomène « Kulunas » s’amplifie malgré la multiplicité des opérations policières pour y mettre fin.
Il faut néanmoins saluer le transfert de plusieurs d’entre ces « Kulunas » à Kaniama Kasese où ils apprennent des métiers afin de devenir utiles à la société. Mais force est de constater qu’à ce jour, leur arrestation est devenue un gros business où les parents déboursent d’énormes sommes d’argent pour obtenir la relaxation de leurs enfants « Kulunas » arrêtés. Ce qui constitue un autre véritable défi pour le gouvernement, à travers le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice.
Dans un autre chapitre, l’on peut évoquer le cuisant échec de la gratuité de l’enseignement de base. Le détournement des moyens y affectés et la non prise en compte des désidératas des enseignants ont asséné un coup fatal à la gratuité, occasionnant au passage, la perturbation du calendrier scolaire 2021-2022 suite à la grève des professionnels de la craie et par ricochet un remous total entre le secteur éducatif et l’autorité de tutelle. Les négociations qui s’en sont suivies ont finalement permis la levée de la grève, en attendant la concrétisation des engagements du gouvernement.
Même scène au niveau de l’enseignement supérieur et universitaire où les étudiants sont restés terrés à la maison, jusqu’à l’ouverture des travaux de la commission paritaire gouvernement-banc syndical, à l’issue de laquelle l’exécutif national a pris des engagements tendant à améliorer les conditions des vies du personnel académique.
Parmi d’autres défis qui maintiennent les populations dans la misère, il faut citer l’existence des institutions budgétivores, les missions à l’étranger qui coutent à l’état sans résultat, l’exercice du petit commerce par des étrangers, la non-maîtrise de l’exode rural qui continue à surpeupler les villes, la prolifération des églises qui aliènent et appauvrissent les populations sans aucune réglementation, des poissons qui meurent dans nos lacs et fleuves à l’indifférence totale du gouvernement qui préfère donner l’occasion aux individus de s’enrichir à travers les opérations d’importation des poissons, les élus du peuple qui s’affichent dans des actions démagogiques en lieu et place de parler au nom de leurs électeurs (populations)…
Des efforts doivent également être consentis dans la guerre dans l’Est du pays afin de donner la paix plusieurs fois promise par le Chef de l’Etat. Car depuis l’instauration de l’état de siège le 6 mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri pour 30 jours, la situation reste précaire et le nombre des morts est toujours crescendo.
Onze mois après, la population exige des efforts supplémentaires aux Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), dont les éléments se retrouvent souvent sans motivation.
En outre, la gestion de l’éruption du volcan Nyiragongo à étaler la dépendance de la recherche scientifique congolaise. En effet, les Ong internationales (International Albert, International Rescue Committee, Oxfam, Konrad Adenauer Stiftung…) comblent le vide dans le champ de la recherche scientifique à travers le mécanisme d’intermédiation publique.
Cette prévalence des ONG et d’acteurs privés extérieurs dans la recherche en RDC, tend à évincer les universités et les instituts supérieurs de leurs missions classiques dans ce domaine. Certes, dans un contexte de libéralisation de la recherche scientifique et des espaces des savoirs, l’« ONGisation » de la recherche ne présente aucun inconvénient en amont. Il faut plutôt déplorer l’incapacité des ministères sectoriels du Plan et de la Recherche scientifique, qui ne parviennent pas à bien canaliser les financements extérieurs alloués à la recherche.
Heureusement que la Commission paritaire gouvernement-banc syndical du secteur de l’ESU, a pris dernièrement des mesures instituant une prime de recherche de 320 dollars américains pour le professeur ordinaire. Il faut maintenant attendre la concrétisation de cette promesse dans un pays où la majorité des décisions restent lettres mortes.
Impunité et chasse aux détourneurs : quel bilan ?
La lutte contre la corruption, les détournements des deniers publics et la mauvaise gestion de la chose publique a lamentablement échoué. En effet, partant du dossier de la construction des sauts-de-mouton en passant par celui de la construction des logements des militaires, de la gratuité de l’enseignement de base, de la gestion de la pandémie à Covid-19, de la construction du barrage de Katende, de la gestion de la chose publique ou encore du fameux Programme « Tshilejelu », le gouvernement a brillé par la subjectivité.
Certes, quelques mandataires ont été interpellés puis arrêtés. Cependant, les grosses calibres compromises dans des sales dossiers financiers, ont été soit non inquiétés, soit relaxés ou encore en voie d’être relaxés. Le dernier scandale en date est celui du détournement de près de 265 millions de dollars américains de la quote-part du gouvernement aux pétroliers. Le ministre mis en cause a été interpellé à l’ANR, puis relaxé par un simple coup de téléphone au sommet.
Ceci remet en cause toutes les promesses faites par le président de la République, de faire de la lutte contre la corruption et les détournements, son cheval de bataille. Conséquence, les véritables détourneurs sont en train de mener une vie paisible ; alors que des innocents croupissent dans les prisons ou dans les cachots de l’ANR (agence nationale des renseignements) sans être jugés.
Opération « zéro trou » : un vocable mal choisi
Sur le plan de l’assainissement, l’état de la voirie en RDC, particulièrement dans la ville-province de Kinshasa, laisse à désirer : des immondices jonchées à travers les avenues de la capitale, ainsi que dans les marchés et les grands centres commerciaux de la ville. L’opération « Kin Bopeto » lancée officiellement le 19 octobre 2019 avec pompe, par le président de la République Félix Tshisekedi à partir de la commune de Bandalungwa, n’a pas changé d’un iota, l’état insalubre de Kinshasa.
A ce jour, les garages pirates et les restaurants de fortune jadis interdits par le gouverneur de la ville, sont revenus à la surface, au vu et au su des autorités municipales. La promesse de l’hôtel de ville de mobiliser près de 30 camions pour ramasser les immondices dans toutes les 24 communes, après avoir décidé l’affectation de 17millions de Francs Congolais pour soutenir le projet d’assainissement Kin-Bopeto tarde à se concretiser. « (…) Ceux qui resteraient en marge seront sanctionnés », avait prévenu Gentiny Ngobila aux bourgmestres lors d’une réunion. Aujourd’hui, Dieu seul sait où sont passés les 30 camions ainsi que les 15 millions versés mensuellement dans les communes.
Dans le même ordre d’idées, l’opération salongo qui consiste à rendre salubre la ville de Kinshasa, a été vidé de tout son sens. A l’époque de feu Maréchal Mobutu pourtant, le salongo qui débutait à 10h pour se terminer vers 14h avec interdiction formelle de circuler en véhicule, permettait à la ville de retrouver son éclat. A ce jour, elle consiste à faire semblant de fermer toutes les activités commerciales (marchés, magasins, bars et terrasses, restaurant…) le matin, quitte à les ouvrir à 10 h, sans que l’on puisse observer le moindre espace assaini. A cela s’ajoutent les érosions, les inondations, les constructions anarchiques …
Infrastructures : les travaux se font et se défont
Sur le plan des infrastructures routières, les travaux se font et se défont, sans aucune chronologie. On détruit au même moment les anciennes artères pour en construire des nouvelles, mais sans finition. Dans l’entre temps, il n’existe pas d’issue de secours pour les automobilistes, qui se fraient des chemins dans des quartiers de la ville, détruisant les quelques routes qui existent encore, parce que ne pouvant pas recevoir des gros véhicules.
Les routes usées qui ont été sélectionnées pour être goudronnées, sont aujourd’hui abandonnées au grand dam des populations qui avaient pourtant applaudies de deux mains ces travaux. La plupart des sociétés recrutées pour cette besogne affirment que le gouvernement ne respecte pas sa part du contrat. « Dans le cas contraire, il aurait réagi à travers l’IGF, en interpellant les responsables des entreprises qui ont perçu les moyens, mais ne travaillent pas », a lâché un ingénieur d’une société de génie civil sous le couvert de l’anonymat.
Dans l’entre temps, les automobilistes ont du mal à rouler sur des routes qui ont été défoncées par des engins des entreprises de génie civil, créant ainsi des embouteillages monstres. Ce qui rend difficile le travail des agents de la Police de circulation routière (PCR), qui se retrouvent débordés dans la plupart des cas. L’exemple de l’avenue de l’Université en dépassant légèrement le rond-point Ngaba est éloquent.
Desserte en eau et électricité : véritable casse-tête pour les warriors
Du côté de la fourniture du courant électrique, la SNEL (Société nationale d’électricité) ne fait aucun effort pour l’amélioration de son service sur l’ensemble du territoire national, en particulier dans la ville-province de Kinshasa, pourtant, le pays dispose du plus grand barrage hydroélectrique du monde.
Mais tous les jours, la situation de l’électricité se dégrade dans plusieurs coins de la capitale. Le manque des cabines électriques ou encore l’utilisation des machines et autres matériels vieillissants qu’utilise la SNEL, ne permettent pas un bon approvisionnement du courant. Plusieurs quartiers de la capitale vivent chaque jour au rythme des délestages, FDR (terme codé des ingénieurs de la SNEL) et autres coupures incessantes.
La population est abandonnée à elle-même et ne reçoit aucune assistance, aucune communication en cas de problème. Au contraire, les agents recouvreurs qui très souvent adoptent un comportement malpoli et agressif envers les abonnés, ne sont visibles que lors du dépôt des factures et pendant le recouvrement. A cause de cette situation désagréable, certains abonnés trouvent normal et juste de ne plus payer leurs factures régulièrement.
L’interpellation du Directeur général de la SNEL à l’Assemblée n’a rien changé au calvaire que vivent les populations de Kinshasa, dont certaines reçoivent du courant pendant trois bonnes heures du matin ; soit de 2h à 5h du matin, dans un pays qui draine sur son dos, 62 années d’indépendance.
Même constat du côté de la desserte en eau potable, où les Kinois vivent un manque criant. Dans un passé récent, le Directeur général de la Regideso avait déclaré que la capacité installée dans la ville de Kinshasa était de 5 usines avec une capacité nominale de 550 milles mètres cube par jour. Mais pour le moment, après plusieurs années de fonctionnement et avec la vétusté des équipements, cette capacité est descendue.
Pour mieux desservir la ville de Kinshasa, la Regideso a estimé à 1 million de mètre cube par jour, le besoin réel de desserte en eau potable. Si l’on doit se baser sur la capacité nominale, il manque 450 mille mètres cubes par jour.
En outre, le Dg de la Regideso a fait savoir que cet établissement public éprouve des problèmes financiers pour assurer de manière régulière la desserte en eau potable à près de 14,57 millions d’habitants de Kinshasa.
En février 2021, l’usine de Ndjili qui est la plus grande fournissant plus de 60% d’eau dans le réseau de Kinshasa, avait connu des problèmes, avec la panne de quatre pompes qui posaient problèmes au niveau du captage.
Au mois de janvier 2022, le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde avait effectué une visite sur le site des travaux de construction d’une nouvelle usine de captage et de pompage d’eau à Lemba Imbu, dans la commune de Mont-Ngafula, avec comme finalité : améliorer le plus rapidement possible l’accès à l’eau potable pour les habitants de ce coin de la capitale. Jusqu’alors, la population attend la fin des travaux. Comme pour dire que la desserte en eau potable pose encore problème.
Mieux vaut tard que jamais…
Aux dernières nouvelles, le gouvernement de la République vient enfin de majorer les salaires de base des fonctionnaires, de 30% pour la fin avril 2022, avant d’être ramené à 45% à la fin du mois de juillet 2022, en faveur des personnels civils de l’État, de l’armée et de la police nationale congolaise.
A ce sujet, le gouvernement a signé depuis le 19 avril 2022 à travers le Vice-premier ministre en charge de la Fonction publique, un avenant au protocole d’accord de Bibwa de novembre 2021, portant augmentation de salaire de base de tous les fonctionnaires et agents publics de l’État avec l’Intersyndicale de l’Administration publique (INAP).
Cette mesure salutaire prise par le gouvernement de la République intervient après le rabattement de l’Impôt professionnel sur le revenu (IPR) de 15 à 3% et la mécanisation de plus de 22.000 fonctionnaires.
Du côté de la Fonction publique, les agents saluent ce premier pas du gouvernement, dans la mesure où la plus-value qui sera désormais perçue, va combler certains vides sur le fameux panier de la ménagère. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque le salaire de base du fonctionnaire, même si elle est multipliée par 10, ne représente toujours presque rien, par rapport au coût de la vie. « Il serait souhaitable pour le gouvernement, d’adapter nos revenus mensuels en fonction des réalités de la vie, pour la simple raison que, une maison à deux pièces dans certaines communes de la capitale coûte 150 usd/mois ; les frais académiques oscillent entre 600.000, 800.000 voire 1.200.000 FC… pour ne citer que ces quelques exemples. Comment alors continuer de faire face à ces réalités ? », s’est interrogé un fonctionnaire affecté au service de l’Habitat dans la commune de Kalamu.
Comme pour dire que, malgré la volonté affichée par le gouvernement de la république, les défis restent non seulement énormes, mais aussi et surtout pendants. En clair, il y a encore autant des choses à revoir et à faire.
José Wakadila