Quatre nouveaux cas de la lèpre ont été notifiés dans la région de Beni, province du Nord-Kivu, depuis le début de l’année 2022. Ils viennent s’ajouter aux 70 autres qui sont suivis à la léproserie de Mbimbi, à Oicha situé à une trentaine de kilomètres au nord-est de la ville de Beni.
L’histoire du quartier Mbimbi est liée à cette maladie depuis l’avant indépendance. Au début, près de 4500 patients de la lèpre suivaient les soins dans ce centre suite à l’expertise du docteur Karl Becker. Aujourd’hui, la maladie a sensiblement diminué, explique Docteur Shadrac Sogheranda, médecin chef de la zone de santé d’Oicha.
”La lèpre est essentiellement nerveuse et entraine souvent d’infirmité au niveau des membres ou de la déformation à la figure. Comme on connait déjà les causes cela veut dire qu’on connait aussi le traitement. C’est pourquoi on a nettement diminué le nombre et c’est une maladie qui tend à diminuer. Il faut savoir aussi que c’est une maladie liée à l’hygiène et à la propreté des gens. On en a plus peur parce que tout le monde se présente quand il y a tache au niveau du corps”, a expliqué le médecin chef de zone.
Si au début les gens avaient peur de côtoyer les malades de la lèpre, aujourd’hui, ils bénéficient des visites des personnes externes du site qui leur apportent des vivres et non vivres. Chaque jour, l’infirmier Isaac, laborantin affecté dans ce site, côtoie ces malades, il est parmi ceux qui les soignent. Il est lui-même fils d’un lépreux et s’est engagé dans la riposte à cette maladie. Il regrette l’absence de plusieurs médecins et infirmiers spécialistes pour détecter cette maladie, ce qui augmenterait le risque de son développement dans la communauté.
”Nous avons des difficultés par le fait qu’il n’y a pas assez de spécialistes en cette maladie. Il y a des infirmiers qui sont même ici sur terrain mais ignorent un cas de lèpre. Ils peuvent toujours administrer d’autres médicaments à ce dernier sans s’en rendre compte jusqu’à ce que le cas se complique”, précise l’infirmier.
Ces 70 patients, hommes, femmes et enfants suivis dans la léproserie de Mbimbi, certains y sont depuis la création, en l’occurrence Paluku Malikidogo Daniel, dit Nyamulera, la flûte (instrument de la musique ancienne à vent sous forme de tuyau percé d’orifices).
Il est lépreux depuis son enfance, il a perdu tous ses orteils. Il vivait à Mbau avant d’être pris par le docteur Karl Becker, jusqu’à Oicha, qu’il ne cesse de remercier pour lui avoir sauvé la vie alors qu’il se sentait rejeté par sa famille.
”J’étais arrivé ici avant même l’installation de ce site. J’ai participé aux travaux de construction de cette maison. Je n’ai plus de famille, ma famille se trouve désormais ici. Moi, j’habitais a Mbau, ma famille m’a déjà abandonné. Si je suis encore vivant c’est à cause de Becker qui m’a accueilli ici et qui me soignait”.
Kasereka Fataki, lui est encore jeune. Il est venu de Byakato en territoire de Mambasa en province d’Ituri, il y a de cela quelques mois. Il a été détecté comme lépreux alors qu’il se soignait dans une structure sans que l’on se rende compte de sa maladie. Il dit être abandonné par sa famille qui ne lui rend même pas visite, ils ne communiquent qu’au moyen du téléphone.
Kambale Mwatsi, lui, n’est plus en mesure de marcher. Il reste toujours sur sa chaise roulante, incapable de se déplacer suite à la gravité de la maladie. L’autre, c’est Mumbere Seghemera Gilbert, qui a déjà perdu sa jambe gauche et ses doigts et ne marche qu’à l’aide des béquilles.
Delphin Mupanda (Correspondant au Nord-Kivu)