L’exécutif provincial de Kinshasa a endossé un projet de communiqué, daté du 15 mai 2025, prétendant imposer des restrictions radicales à la circulation dans la capitale congolaise.
Ce, pour désengorger une ville étouffée par les embouteillages.
Un scandale juridique se profile
Répondant, ce lundi 19 mai 2025, aux questions de MCP, Eugène Diomi Ndongala pense qu’en limitant la circulation des véhicules selon une règle alternée pair-impair basée sur les plaques d’immatriculation, ce texte administratif s’aventure sur un terrain miné : celui des libertés fondamentales.
Au regard du droit congolais, poursuit-il, « ce communiqué est une aberration légale, un affront à la Constitution et une provocation ouverte au principe de l’État de droit ».
La Constitution, rempart intouchable
En effet, dans son article 30, ladite Constitution consacre la liberté de circulation comme un droit inaliénable : toute personne peut se déplacer librement sur le territoire national, sauf restriction « fixée par la loi ».
Des mesures hors cadre légal
Le communiqué impose deux restrictions phares : une interdiction de circuler pour les véhicules lourds (camions, citernes) hors des heures nocturnes (22h00 – 5h00) et une règle pair-impair alternant les jours de circulation selon le dernier chiffre des plaques d’immatriculation.
Des exceptions sont prévues pour les véhicules officiels, diplomatiques ou d’urgence, mais cela ne change rien au fond du problème.
« L’exécutif provincial invoque vaguement la Loi n° 78-022 du 30 août 1978 du code de la route congolais, comme base légale. Mais ce texte qui régit la circulation sur les voies publiques, ne délègue aucun pouvoir explicite aux provinces pour imposer des restrictions aussi générales », recadre Eugène Diomi Ndongala qui ajoute que l’article 10 fixe la place des véhicules sur la chaussée, le Livre II autorise des signaux routiers pour des interdictions temporaires et l’article 133 permet des mesures administratives en cas de danger immédiat.
Il faut noter que la décentralisation, inscrite aux articles 201 à 204 de la Constitution, accorde aux provinces des compétences dans des domaines comme l’urbanisme, les transports locaux ou la sécurité. Mais la régulation de la circulation routière, lorsqu’elle touche à la liberté de circulation de tous les citoyens, relève de l’État central.
« Restreindre un droit fondamental par un communiqué provincial est une usurpation de pouvoir », renchérit ce notable Ne Kongo.
Ce dernier insiste que restreindre la liberté de circulation, droit garanti par l’article 30 de la Constitution, « exige une base légale explicite, votée par le législateur national ».
Aucune disposition du code de la route ne prévoit une circulation alternée basée sur les plaques d’immatriculation. Aucun mot dans la Loi n° 78-022 ne soutient cette idée.
Même les articles sur les signaux routiers ou la sécurité publique ne peuvent justifier une restriction aussi large et permanente sans signalisation explicite ou texte législatif ad hoc.
Le Conseil d’état en embuscade
Face à ce dérapage, le Conseil d’état, gardien de la légalité administrative, tient la clé. Un recours pour excès de pouvoir pourrait faire tomber ce communiqué en invoquant trois griefs majeurs :
Incompétence de l’auteur : les provinces n’ont pas le pouvoir de restreindre ainsi la circulation ;
Violation de la loi : absence de base légale conforme à l’article 30 ;
Atteinte aux droits fondamentaux : une restriction illégitime de la liberté de circulation.
Les citoyens, associations ou entreprises lésées ont là une arme redoutable pour rétablir l’ordre constitutionnel.
« Si le gouverneur veut agir, qu’il soumette un projet de loi au Parlement, avec débat public et procédure légale. Contourner cette étape, c’est jouer avec le feu de l’illégalité », conclut le président national de la Démocratie chrétienne (DC).
*LM