Depuis l’époque coloniale, la République democratqiue du Congo a été dirigée par des hommes. Cela a contribué à la création d’une image selon laquelle un Chef de l’Etat devrait absolument être un homme dans ce pays continent. De 2006 à 2018, cinq candidates se sont présentées pour briguer le poste de Président de la République mais aucune d’elle n’a réussi à s’imposer. Et pourtant la RDC ne manque pas de femmes compétentes. A plus ou moins une année des élections, y a-t-il probabilité de voir une femme succéder au Président Tshisekedi ?. Elément de réponse avec Maghene Deba, Réalisateur du film « RDC : Femme au sommet »
MCP : Vous avez, le 29 avril dernier procédé à la sortie officielle de votre film documentaire intitulé » RDC : Femme au sommet « . Pouvez-vous nous expliquer, de manière brève, l’essentiel de votre œuvre ?
André Maghene Deba
André Maghene Deba : Le documentaire « RDC : Femme au sommet » est un long-métrage de 83 minutes autour du leadership politique de la femme congolaise de manière générale. Le projet part de la représentation inégalitaire des hommes et des femmes aux instances de prise de décision. Mais le thème central est celui de la probabilité d’avoir une femme à la tête de notre pays. Cela a été rendu possible depuis la Constitution de 2006. Mais, quand et comment y parvenir ? Pourquoi est-ce une préoccupation ? Evidemment, les intervenants du film répondent à ces questions-là. Mais de manière laconique, ce documentaire en six chapitres s’articule sur la rétrospective des élections présidentielles de 2006 et 2018 où aucune femme n’a pu réaliser 1% de suffrages et la perspective des présidentielles futures avec les challenges et les opportunités qui pourraient se présenter aux femmes.
Comment le film a-t-il été accueilli par le public, plus particulièrement les femmes ?
Il y a eu le 29 avril 2021 une grande émotion parmi les invités à la sortie officielle de « RDC : Femme au sommet ». Tout à fait naturellement. Je pense qu’au-delà du thème et des visages qu’ils ont vus, ils ont été touchés par la profondeur des témoignages de femmes sur les difficultés rencontrées dans leurs parcours et les épreuves qui collent à la lutte pour l’égalité des sexes. On ne parle pas des paysannes mais des femmes qui ont été à la tête des institutions.
Mais l’écho va nettement plus loin. Depuis la sortie du film, des organisations, des personnalités au pays et ailleurs, nous ont félicités et encouragés.C’est une fierté. Mais pour que ce film soit diffusé à travers le pays, nous avons besoin d’appui. Les entreprises Maghene Medias et Jack Grafix ont financé le projet, l’Ucofema y a apporté sa technicité. Présentement, nous avons besoin des moyens pour que ce film soit projeté dans des Universités et écoles à Kinshasa, Boende, Isiro, Ilebo, Kisantu, Kamina,… pour marteler que l’égalité s’impose.
Dans votre documentaire, vous présentez plus les femmes politiques, pourquoi ?, C’est seulement elles qui peuvent aspirer à être présidente de la RDC?
Dans le film, il y a 13 femmes. Six d’entre elles ne sont pas de politiques, soit près de 50%. Il y a deux maraîchères, une journaliste, une avocate et deux activistes des droits de l’homme. Ça me paraît pondéré lorsque le sujet c’est le leadership politique des femmes. Maintenant, est-ce que seules les femmes politiques peuvent aspirer à diriger le pays ? Je ne le prétends pas. Mais, c’est peut-être le lieu de clarifier le casting. Notre choix des intervenants revêtait un caractère particulier. Nous ne cherchions pas de visages, nous voulions des profils.
Nous voulions d’anciennes cheffes des corps, le pays n’en a connu que deux à ce jour, Omatuku et Mabunda. Nous les avons rencontrées. Nous voulions d’anciennes candidates à la Présidence, nous avons interviewé Nzuzi wa Mbombo et Ifoku, etc. Mais cela n’est pas lié à leurs ambitions présidentielles, du moins pour celles qui en ont. Pour revenir à votre question, mon avis est simple : des hommes non politiques ont déjà brigué la présidence. Donc les femmes de la société civile ont le même droit. Mais l’aspiration est personnelle et les chances sont des deux côtés, chez les femmes politiques et chez les femmes non-politiques.
Pensez-vous que la femme congolaise est aujourd’hui capable de diriger ce pays? En mettant toutes ces femmes en lumière, quel est le message que vous voulez faire passer ?
Lorsque, partant du film, nous mettons en lumière cet échantillon des femmes, cela rappelle que la lignée des amazones du Congo ne s’est pas arrêtée à Kimpa Mvita ou Sophie Kanza. Le pays a continué à sortir de ses matrices de dignes filles. Est-ce que la femme congolaise est aujourd’hui capable de diriger le pays ? Vous dites « aujourd’hui », je ne sais pas si vous faites allusion à la période de la production du film. Je pense que la RDC a des femmes capables et elles ne sont pas nées hier. Jusqu’à Jeanine Mabunda récemment, on avait oublié qu’une femme pouvait diriger l’Assemblée nationale mais elle l’a fait.
Pour la première fois, le Congo a une femme au ministère des mines, une au ministère de la justice et une à la tête de la Banque centrale. On se rend maintenant compte que c’est possible. Il y a des femmes compétentes et expérimentées. Mais pour une victoire à l’élection présidentielle, la stratégie demeure un aspect très déterminant.