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Les Kinois à la merci des agents dits « Bureau 2 »

La ville-province de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo connue à travers le monde pour la vie rythmée de ses habitants, offre malheureusement une image de honte pour ses visiteurs et autres curieux qui proviennent des milieux ruraux. Sur le plan architectural, les constructions sont érigées de manière anarchique, sans un plan approprié d’urbanisation et parfois à l’absence des services d’urbanisme et habitat. Chacun impose son plan de construction.

Ce n’est ni l’affaire des chefs des rues, des chefs de bureaux, des chefs de localités, des bourgmestres voire de l’hôtel de ville, qui semblent tous endosser ce désordre, comme s’ils ne vivaient que de la corruption pour laisser-faire. Un spectacle désolant qui frise la honte et le ridicule. Il suffit pour s’en convaincre, de faire un tour dans tous les quartiers, où même les containers abritant les sous-commissariats de la Police nationale congolaise (PNC), offrent une image des taudis, ressemblant à des garages abandonnés ou des parkings de fortune. Des immondices s’y forment occasionnant ainsi la présence des anophèles et autres microbes susceptibles de contaminer la malaria ou d’autres maladies des mains sales aux paisibles citoyens.

Dans l’entre temps, toutes les autorités qui sont censées réguler ce genre de spectacle de mauvais goût, sont mystérieusement sans réaction.

Chacun fait sa loi

Sur le plan sécuritaire, c’est la loi de la jungle qui règne. Tous les carrefours de la capitale sont bondés des agents dits des services de sécurité, qui ne font que truander les paisibles citoyens. Au vu d’un sac au dos ou sac à mains, ils se ruent vers le passant comme s’ils étaient à la recherche d’un suspect, mieux des éléments des ADF qui sèment la terreur et la désolation dans l’Est du pays.

« Présentez-vous », ont-ils l’habitude de s’adresser à leur cible. Après avoir exhibé toutes les identités possibles, ils vous exigent d’ouvrir le sac pour voir son contenu. C’est souvent à ce niveau qu’un de leurs responsables intervient pour dire que ce genre d’opération (NDLR : fouille du sac), ne peut se faire sur le lieu public. « Monsieur, veuillez nous suivre au bureau svp », obligent-ils à leur proie.

Pour le cas de la place Victoire, c’est dans l’enclos qui héberge les services de la commune de Kalamu que ces agents disposent d’un petit local de fortune où sont vautrés des OPJ à l’attente des dossiers juteux.

Sur place, si rien de compromettant n’est trouvé dans le sac, ils vous exigent de vider toutes vos poches afin de vérifier si rien de suspect ne s’y trouvait. Au cas où vous disposez d’une quelconque somme d’argent, vous êtes admis à la suite des opérations de fouille sur votre téléphone à la recherche des images qui sont contre le régime. L’objectif visé n’est rien d’autre que celui de vous déposséder de votre bourse.

A cette étape, la moindre image suspecte (cadavres des populations à l’Est, caricature d’une autorité de la place…) découverte dans votre téléphone, peut vous coûter une grave infraction. « C’est vous qui trafiquez les images du pays à l’extérieur. A qui les recevez-vous ? Vous allez nous montrer vos complices ». Tout en sachant qu’à ce jour, les images sont transférées dans les téléphones des gens grâce à la magie de la technologie, toute explication ne servira absolument à rien, leur objectif étant celui de vous soutirer quelque chose.

Pour vous intimider davantage, un de leurs supérieurs (souvent un major) va surgir pour intimer l’ordre de vous verbaliser sur procès-verbal, avant que vous ne soyez acheminer à la Demiap (Détection militaire des activités anti-patrie), un service ayant succédé à l’ex-SARM (Service d’actions et de renseignements militaires). A la fin de l’audition, la dernière question que l’on vous pose, est celle de savoir si vous souhaitez traiter ce dossier à l’amiable ou être transféré auprès des services compétents. Mais généralement, c’est la première hypothèse qui prime.

« Compte tenu de votre infraction, avez-vous 1.000 dollars à nous payer ? », peuvent-ils vous demandez. Et sachant qu’ils sont capables de tout, plusieurs victimes n’ont pas le choix et laissent tout ce qu’elles possédaient entre les mains de ces malfrats. Toutes les plaintes formulées contre ces agents appelés Bureau 2 travailleraient pour le compte de la Demiap, n’ont jamais produit des effets.

Dans un passé récent, l’un de nos confrères, éditeur d’un journal, a été victime de cette truanderie et a laissé 285 dollars américains. Motif ? Ces agents ont trouvé dans son sac, une facture de son journal que le confrère ramenait auprès d’un de ses partenaires, mais sans que le journal ne puisse disposer d’un récépissé de autorisation de publication. Malgré l’insistance de l’infortuné qui leur a fait comprendre que ce n’était pas de leur compétence, mais plutôt du ministère de la Communication et Médias, ces agents l’ont retenu de 14h à 18h. Ce n’est qu’après avoir déboursé cette somme qu’il a été relaxé.

Des services qui effleurent le ridicule

Fort de l’adage qui dit: « si le ridicule pouvait tuer », il y a lieu d’affirmer, la main sur le cœur, que ces fameux agents Bureau 2 qui opèrent à la place Victoire, ne viennent pas chercher des suspects, mais plutôt de l’argent. « Ils se sont transformés en véritables business man au regard de ce qu’ils réalisent comme recettes à la fin de chaque journée », raconte un jeune cambiste (changeur des monnaies) qui opère dans les environs. Et d’ajouter : « Ils opèrent ici depuis des années, mais nous n’avons jamais appris que ces agents Bureau 2 ont appréhendé un suspect et l’ont transféré à la Demiap ».

Toujours dans les environs de la place Victoire derrière la station-service Engen, une jeune dame non autrement identifiée, et vendeuse des beignets, renseigne que cet endroit ressemble à une forteresse d’Ali Baba, où chaque service de l’Etat fait sa loi. Elle cite le cas des agents de la Police de circulation routière (PCR), les éléments de la Police nationale congolaise (PNC) et ceux de l’unité Udjana, les agents du ministère des Transports… qui tracassent et rançonnent à souhait les paisibles automobilistes, au grand dam des passants. « Pourtant, les échos parviennent tous les jours au bourgmestre de la commune de Kalamu, Jean-Claude Kadima, dont le bureau se trouve à quelques mètres de là. Mais aucune réaction de sa part. Au contraire, la situation ne fait que s’empirer du jour au lendemain », regrette-t-elle, tout en manifestant son pessimisme quant à l’évolution positive des choses sur le terrain.

Pour sa part, le jeune Pierre Maluambeki, la quarantaine révolue et chargeur des véhicules, s’étonne du désordre entretenu à la place Victoire au vu et au su de l’autorité communale. Pour lui, cet endroit touristique qui fait parler de lui à travers le monde, aurait pu offrir une image digne, de par son appellation. « Malheureusement, le bourgmestre et ses services ne se contentent que des dividendes qui leur sont versées par les tenants des kiosques et autres hangars érigés en désordre. La plupart de ces hangars servent de guet-apens aux agents Bureau 2 et à quelques policiers, qui sont en quête des proies à dévorer. Et la nuit, ces hangars sont transformés en maisons de passage, où toutes sortes d’abus sont commis », dénonce le jeune Maluambeki.

Comme si le ridicule ne tuait pas en RDC, ces hangars se retrouvent également tout au long de la clôture de la parcelle qui abrite le bureau du bourgmestre ; au niveau de la clôture de la paroisse St Joseph de Matonge ; au croisement des avenues Ikelemba et Badjoko ; derrière le Complexe scolaire Mgr Moke ; le long de la clôture de écoles primaires I et II/Matonge sur la façade de l’avenue Kasa-Vubu…, donnant ainsi l’impression d’une ville fantôme, où règne un désordre entretenu. L’essentiel pour l’autorité municipale d’empocher l’argent, sans même tenir compte de l’hygiène et de l’état insalubre qu’offrent ces endroits.

Au regard de tout ce qui précède, même la promesse ferme de l’hôtel de ville de Kinshasa d’assainir la capitale, tarde à se matérialiser, on ne sait pourquoi.

José Wakadila

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