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La RDC, 4e pays le plus pauvre au monde : “cela doit nous interpeller” (Eugène Diomi Ndongala)

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Selon le dernier rapport du FMI-Global Finance de 2024, la République démocratique du Congo est le quatrième pays le plus pauvre au monde.

Ne pouvant rester indifférent face à cette situation, Eugène Diomi Ndongala a donné, lundi 10 juin 2024, lors d’un entretien avec MCP, quelques pistes de solutions pour sortir le pays de la dérive.

Le président national de la Démocratie chrétienne (DC) estime qu’il est important de favoriser le cercle vertueux entre la paix, le développement et la refondation de l’État, avec la proposition d’un nouveau contrat social basé sur la lutte contre la “prédation destructive”.

La déchéance d’un État

Pour élaborer son classement, Global Finance s’est basé sur le PIB (Produit Intérieur Brut) par habitant, tel qu’il ressort du plus récent rapport du FMI.
“Cela doit nous interpeller !”, s’exclame Diomi qui pense qu’il serait sans doute recommandé que les dirigeants congolais se posent les bonnes questions sur les causes de la déchéance d’un pays aussi bien doté en ressources naturelles, afin de “vivisecter” le grand corps malade du Congo-Kinshasa et comprendre sa maladie.

Le paradoxe congolais

Au Congo, les habitants sont pauvres alors que le pays est riche: 75 % des habitants du Congo vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Le sous-sol du Congo compte parmi les plus riches du monde grâce à ses ressources minières (diamant, cuivre, étain, coltan, cobalt, or…). Le pays possède également d’abondantes ressources forestières ainsi que des sols fertiles, idéals pour l’agriculture.

Aujourd’hui, les exportations de minerais représentent plus de 90% des exportations du pays, et plus de la moitié prennent la destination de la Chine. Mais ces ressources minières ne constituent aujourd’hui que 30% des recettes fiscales.

“La mauvaise gouvernance et la corruption y sont pour quelque chose, dans la déliquescence de l’État”, estime-t-il.
Les minerais en RDC sont un peu comme le pétrole au Venezuela. Cette rente crée, paradoxalement, un cycle d’inflation et de corruption, selon les spécialistes des matières premières, plutôt qu’enrichir le pays.

La production agricole, quant à elle, a ralenti à une croissance de 2,2 % en 2023 (contre 2,4 % en 2022), rendant encore plus volatile l’autonomie alimentaire de la RDC, toujours plus dépendante des importations.
“Enfin, une escalade de la guerre à l’est et une volatilité politique continue, ne font qu’aggraver la situation économique”, renchérit-il.

Et de poursuivre,”derrière une situation politique instable, dûe aussi à des élections minées par la fraude électorale, se dessine un horizon financier sombre. Tous les indicateurs congolais sont au rouge.

Ces ruptures des équilibres économiques sont presque toujours la conséquence d’une mauvaise gouvernance :

Les institutions non redevables ou non réactives, un accès inéquitable aux services et aux ressources, un manque de participation inclusive aux processus de démocratisation et une faible capacité de la société civile et de l’opposition politique (souvent marginalisée et embastillée) à relever ces défis”.

La résistance aux réformes, pourtant indispensables

La RDC présente, en effet, un cas d’école de résistance aux réformes qui, faut-il l’avouer, “n’ont pas été sérieusement envisagées ces dernières années, alors qu’elles s’avèrent indispensables”. Les réformes sont bien citées dans les différents programmes gouvernementaux. Mais, en réalité, elles ne sont pas mises en place.

En d’autres termes, “les maux récurrents de notre vie politique sont connus : on y trouve la “petite corruption” à côté de “la grande corruption”, le népotisme, le trafic d’influence, les abus de biens sociaux, le délit d’ingérence, mais aussi le pillage dans ses formes violentes surtout dans les zones de conflit”.

“C’est par une concertation efficace de différents groupes en conflit, mais aussi de l’opposition non armée et la société civile qu’on pourrait atteindre un compromis politique susceptible de conduire à une solution durable de la crise généralisée qui frappe présentement la RD Congo”, révèle Diomi Ndongala.

Si le compromis politique à atteindre concerne essentiellement les acteurs congolais, toutes tendances confondues, “il reste évident qu’on ne pourrait pas consolider la paix sans implication des puissances régionales, lesquelles furent, malheureusement, à l’origine de la crise, sans oublier les nombreux intervenants étrangers dans le conflit, avec leurs troupes revenues sur notre sol, après le départ officielle de toutes les forces étrangères obtenu en 2013”.

Cela pourrait prendre la forme d’un traité international.

Certains observateurs dénoncent “la faillite de l’État congolais comme étant la cause des conflits qui frappent la RDC”, enfonce-t-il. “Les dysfonctionnements des institutions (pouvoir judiciaire, pouvoir législatif, armée et services de sécurité) et ceux du système politique, ont conduit la RDC au présent état de déliquescence, avec un État de droit faible et un capitalisme du désastre, où tout s’achète, mais sans justice sociale”.

Concrètement, vu la déliquescence de l’État, il est absolument indispensable de mettre en œuvre quelques axes d’actions pour consolider la paix en République démocratique du Congo. Ces axes constituent des stratégies de reconstruction du pays pour la restauration de la paix, qui pourra ouvrir la route au développement.

La paix et la sécurité favorisent le développement et la prospérité d’un pays. Au contraire, la guerre et la lutte contre les rébellions sont coûteuses, ruineuses et destructrices.

Pour Eugène Diomi Ndongala, la RDC doit avoir une armée composée d’hommes et de femmes formés, instruits et cultivés. En d’autres termes, une armée professionnelle. Cette armée devrait être équipée et motivée, une armée tournée en temps de paix vers les objectifs de développement du pays.

Au niveau du changement des mentalités, il y a lieu de mentionner que la corruption, les détournements, le clientélisme, le népotisme ainsi que le tribalisme doivent être bannis de grands services de l’État. L’indépendance de la magistrature doit être une réalité pour lutter contre la corruption et les détournements des deniers publics.

La politique de bon voisinage et l’ouverture au monde, en vertu des règles du droit international, constituent également des facteurs de la refondation de l’État, basés sur une diplomatie forte qui doit être assurée, en premier lieu, par les diplomates de carrière, aujourd’hui fortement négligés, souvent abandonnés.

La refondation de l’État congolais doit être caractérisée par la fin de l’impunité.

Les forts ne doivent pas être immunisés et les faibles sacrifiés. Ainsi, la loi doit s’appliquer à tout le monde de la même manière.

Le fléau de la corruption est omniprésent et doit être combattu

La corruption d’en bas est désignée par de multiples euphémismes qui montrent bien qu’elle est une pratique devenue banale : pot-de-vin, sucré, dessous-de-table, commission illégale, frais de suivi, motivation, coopération invisible…

Le niveau de concussion chez les policiers, par exemple, est de 97 %, selon une enquête de l’Université de Kinshasa de 2010, pas actualisée à ce jour.

Le droit de “cueillette” des élites

“Du haut en bas de l’appareil étatique, l’assimilation d’une position de pouvoir à un droit de « cueillette » se généralise”, constate Diomi.
Le résultat est la ruine des biens et des services publics, l’hyperinflation, la croissance négative et une destructrice fuite en avant qui appauvrit les Congolais.

Les acteurs politiques, quant à eux, n’ont souvent pas de références idéologiques très précises, comme c’est le cas des formations politiques qui constituent l’actuelle majorité de l’USN (Union sacrée de la Nation). Ils sont surtout attachés, une fois “élus”, à gérer leurs intérêts et leurs alliances, dans le cadre du partage du pouvoir.

Face à eux, les électeurs, une fois qu’ils ont touché la rétribution de leur vote, n’utilisent guère la modeste information disponible pour superviser la mise en œuvre des engagements de campagne des élus.

D’autant plus que l‘utilisation des machines à voter privatisées, au moment des récentes élections, rend les électeurs tout à fait inutiles vis-à-vis des “élus” qui ne sont redevables qu’au système de clientélisme qui les a placés au pouvoir!

Diomi demande aux dirigeants de la RDC de s’approprier la bonne gouvernance sans laquelle la restauration de la paix serait inexistante.
La nourriture, l’eau, l’électricité, l’éducation, les soins de santé et le logement constituent des besoins fondamentaux de base que l’État doit assurer pour la réalisation de la justice sociale et distributive permettant au peuple congolais de vivre dans une société équilibrée.

L’une des conditions essentielles est d’assurer économiquement la population en la mettant à l’abri des besoins élémentaires pour sa survie : nourriture, santé, logement, institutions scolaires, etc.

La RDC est virtuellement riche, au regard de ses potentialités.

Mais comme la guerre en cours a pour effet de polariser sur elle les énergies disponibles et l’attention de l’État, les conditions minimales pour réaliser cet objectif ne sont envisageables qu’à la fin des hostilités.

En d’autres termes, la paix, en RDC, est strictement liée à des paramètres politiques et économiques: la corruption, la fraude électorale, le tribalisme, le népotisme ne font qu’aggraver la paupérisation du pays et son exposition à la guerre, à cause de son armée déstructurée, une administration défaillante et une sécurité du pays affaiblie par le manque de moyens, absorbés par la corruption systémique et le train de vie extravagant des animateurs des institutions.

LM

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