» Avant Joseph Kabila est égale à après Joseph Kabila « , clame-t-on dans des laboratoires des analystes politico-economiques congolais, qui dénoncent la main-mise de la présidence de la république, dans tous les dossiers relatifs au développement socio-économique du pays, foulant ainsi au pied, l’existence des institutions habilitées.
Barrage d’Inga : un dossier présidentiel
Alors que sa gestion devait légalement revenir au ministère des Infrastructures, c’est plutôt la présidence de la république qui a le monopole du suivi du Projet » Inga III « , lequel devait être opérationnel en 2028.
Dans un rapport intitulé » Inga III : un projet gardé dans l’ombre » publié en octobre 2021, le Groupe d’Etudes sur le Congo (GEC) et l’ONG Ressources Matters, ont soulevé un certain nombre d’irrégularités observées dans l’exécution dudit projet. » La façon dont le projet est actuellement mené, soulève un certain nombre des préoccupations liées à la transparence, à la gestion, à l’inclusion et à l’information du public. En outre, une importante partie de la société civile exprime sa crainte, face à un projet qui risque de ne pas répondre aux attentes de la population congolaise, dont 80% n’ont pas accès à l’électricité « , pouvait-on lire dans ce rapport.
Tout en soulignant le fait que les ténors politiques aient limité le recours à des experts internationaux, ce rapport insistait sur les conséquences de la décision ayant écarté le gouvernement de la gestion du projet, en le plaçant depuis 2015, sous le contrôle de la présidence de la république. Même le pouvoir actuel n’a jamais corrigé cette entorse.
Pour le GEC et Ressources Matters, le processus en souffre dans plusieurs aspects opérationnels clefs, notamment :
– les conditions de sélection du développeur peu claires ;
– l’absence d’études d’impacts sociaux et environnementaux complémentaire, faute de moyens financiers et à la suite du retrait des principaux bailleurs de fonds ;
– la mise en place d’une tutelle institutionnelle qui échappe au contrôle parlementaire ;
– le rejet par le parlement et la société civile, du projet ;
– la faible position de la RDC lors des négociations avec les potentiels présélectionnés.
Par conséquent, les deux organisations précitées avaient appelé le président Felix-Antoine Tshisekedi, à faire impliquer le nouveau gouvernement, afin de permettre la bonne exécution dudit projet : » le nouveau président Félix Tshisekedi, devrait rouvrir la gestion d’Inga III à la participation de la société civile et aux institutions régulières du pays. Il devait recourir aux experts qualifiés et attendre les résultats des différentes études d’impact y compris des contre-expertises directement commandités par le gouvernement, pour juger si le projet est approprié pour le pays et sa population « , avaient insisté GEC et Ressources Matters, dans leur rapport.
Touche pas aux contrats chinois
Comme sur la gestion du projet Inga III, les contrats chinois gérés par la présidence de la république, avaient fait l’objet de plusieurs critiques tant au niveau des observateurs avertis que de l’Union européenne, qui dénonçait à l’époque, le non respect des règles du jeu.
Les réticences de l’Union européenne se situait particulièrement au prêt que des investisseurs chinois avaient accordé au gouvernement de la RDC, pour financer l’exécution des 5 chantiers de l’ancien président Joseph Kabila.
A l’époque, l’Union européenne insistait pour que, les intervenants dans le dossier, le fassent en bonne relation avec la RDC, pays souverain, et que chaque intervenant et chaque bailleur, le fasse également dans le respect des lois et des règlements.
A l’époque, même le parlement n’était pas associé dans ce fameux dossier et n’avait obtenu des explications qu’après un tollé général tant du côté de l’opposition que des officines occidentales.
Le Belge avait même dénoncé » un orgueil de Joseph Kabila frisant la corruption et la mauvaise gouvernance » lequel risquait de précipiter sa chute.
Contrats miniers : une affaire de la présidence
Les contrats miniers n’échappent pas aux critiques. Leur renégociation, notamment avec la SICOMINES (Sino congolaise des Mines) a créé un imbroglio total, qui a contraint dernièrement le Directeur de cabinet du chef de l’État, Guylain Nyembo, de mettre à la porte le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, qui tenait à prendre activement part auxdites renégociations sans titre ni qualité.
La présidence de la république l’a bousculé par une lettre. » La commission ad hoc que je préside, et instituée par le président de la république, n’a à ce stade, eu connaissance d’aucun mandat de représentation délivré par ses soins au ministre des Finances, qui nous lie en copie… », a précisé le Directeur de cabinet Guylain Nyembo, dans une correspondance parvenue à la presse.
Port de Banana : la présidence, seul maître à bord
Ce dossier risque de mettre à la porte, près de 13.000 agents de la Société congolaise des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA), s’il est confié aux privés, comme l’entend le faire le présidence de la république, qui s’implique seule dans sa faisabilité.
En effet, le banc syndical de cette entreprise avait dernièrement dénoncé l’exclusion de leur entreprise, de la gestion du port en eau profonde de Banana.
La décision d’exclure la SCTP de la gestion de ce port, risque d’occasionner la disparition et la fermeture de cette entreprise de l’État, avait confié à la presse, le président de l’Intersyndicale de la SCTP, en novembre 2021. » C’est impossible de nous écarter dans cette gestion. La SCTP détient jusqu’à présent, la jouissance de l’ordonnance de 1971, qui lui donne le monopole de la gestion de tous les ports « , avait-il expliqué lors d’un point de presse, avant d’exhorter le chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi, à intégrer dans ses consultations, les délégués syndicaux des entreprises de l’État en difficultés de fonctionnement, pour qu’il s’imprègne de ces difficultés, en vue du relèvement de ces entreprises.
Il faut noter que, une convention de collaboration signée entre l’État congolais et la firme émirati DP World, devrait créer un nouveau service public dénommé » Port en eaux profondes « . Il s’agira d’une société concessionnaire commune, dans laquelle l’État aura 30% de participation non diluables au capital social et DP World 70%, contrairement aux concessions classiques.
Par conséquent, la société concessionnaire aura pour la partie congolaise, des mandataires nommés par le président de la république, conformément à la loi n°08/010 du 7 juillet 2008, fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du Portefeuille de l’État.
La RDC aura deux postes, dont celui du Président du conseil d’administration et du Directeur général adjoint. Les postes stratégiques du Directeur général et du chargé des Finances, reviendront au groupe DP World.
La critique est aisée…
Dans ce lot des projets gérés par la présidence de la république, il y les projets de 100 jours et le projet Tshilejelu, avec les scandales qu’ils ont occasionné au sommet de l’État.
Le dernier scandale concerne la mauvaise affectation de 7 millions de dollars américains décaissés pour les travaux du barrage de Katende, sous un silence (coupable?) de l’Inspection générale des finances (IGF), qui laisse planer un doute sur sa passivité, concernant les détournements à la présidence de la république.
Quant à la gestion des dossiers ci-haut énumérés par la présidence de la république, peut-on conclure à une gestion opaque de la res-publica, pourtant dénoncée sous Joseph Kabila ? Si non, pourquoi ne pas revoir cette manière de gérer la chose publique, en incluant les institutions de la république concernées ? Que cache cette manière de gérer le pays par ceux-là même qui ont promis de gérer autrement ? Autant des questions qui resteront sûrement sans réponse, à l’allure où vont les choses.
Comme qui dirait : » la critique est aisée, mais l’art est difficile « .
José Wakadila