Fidèle allié de Joseph Kabila durant plusieurs années, Lambert Mende a adressé une correspondance interpellatrice à l’ancien président, à la suite de son message du 23 mai 2025 et de son séjour à Goma, ville occupée par les forces rwandaises depuis plus de trois mois.
« Pendant plus d’une décennie, j’ai été un témoin privilégié, à vos côtés, des performances et contre-performances de la gestion publique de notre pays. Je ne peux souscrire à l’idée, reprise dans votre message susmentionné, selon laquelle la dramatique régression actuelle de la République démocratique du Congo serait exclusivement imputable à votre successeur, Félix-Antoine Tshisekedi », a-t-il recadré.
Et d’ajouter : « Une telle assertion, suggérant qu’il suffirait que le président Tshisekedi quitte le pouvoir pour que le pays retrouve prospérité, croissance et développement, ne tient pas la route. »
Pour Mende, cette vision revient à occulter un faisceau important de causes profondes expliquant la situation actuelle du pays. Il pointe notamment le pillage systémique des ressources économiques de la RDC, mené selon lui « sur fond de déstabilisation forcenée par le Rwanda », un phénomène qui aurait traversé les régimes successifs de Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila, et qui continue sous Tshisekedi.
« Ce dernier s’efforce tant bien que mal de démystifier ces légendes infâmantes et inhibitrices », ajoute-t-il.
Mende affirme que certains passages du message de Joseph Kabila, ainsi que la posture qu’il adopte, lui donnent littéralement « la chair de poule ».
« Elle contraste avec l’un des axiomes favoris de votre père, Mzée Laurent-Désiré Kabila, qui répétait souvent : Ce qui est dit doit être fait. »
Il déplore également le silence de l’ancien chef de l’État au sujet de Paul Kagame, président du Rwanda, qu’il accuse d’incarner depuis près de trois décennies la guerre à l’Est.
« Votre communication, qui passe sous silence le principal acteur de la dévastation de notre pays depuis 1996, m’a plongé dans une sorte de nausée métaphysique. J’ai la pénible impression d’avoir été littéralement entubé pendant des années », déclare-t-il.
Sous sanctions européennes durant le régime Kabila pour avoir défendu les intérêts nationaux, Lambert Mende s’interroge sur le silence de Joseph Kabila, à l’époque, vis-à-vis du Rwanda, notamment en ce qui concerne l’assassinat de Mzée Laurent-Désiré Kabila en 2001, où Kigali aurait été impliqué.
« Il n’est pas tolérable que les 15 000 compatriotes massacrés par la coalition RDF/M23 à Goma et Bukavu passent ainsi sous silence, dans un révisionnisme que vous entretenez par omission », accuse-t-il.
Il remet aussi en question les décisions prises sous Kabila à Sun City en 2002, concernant le mixage et le brassage des forces armées, estimant qu’elles ont ouvert la voie à une infiltration massive d’agents étrangers au sein de l’armée congolaise.
« Cela n’expliquerait-il pas en grande partie les faiblesses rédhibitoires que vous reprochez aujourd’hui à votre successeur ? Que gagnerait la RDC si ses dirigeants continuaient de dissimuler de tels dysfonctionnements ? »
En conclusion, Lambert Mende plaide pour un dialogue inclusif et structuré à l’échelle régionale afin de lutter contre l’extrémisme ethnique dans la région des Grands Lacs (RDC, Rwanda, Burundi, Ouganda).
« Rien, dans l’état actuel des choses, ne peut justifier la complaisance d’un ancien président à l’égard de l’agresseur rwandais et de ses supplétifs du M23, qui n’ont ni changé de leitmotiv, ni d’allégeance depuis que nous les avons combattus ensemble à partir de 2012. »
LM