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Sécurisation de l’épargne de déposants en RDC, l’Etat doit sortir de sa « léthargie »

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En République démocratique du Congo (RDC), les déposants se sentent de plus en plus en insécurité quant à leurs dépôts en banque, car des cas de faillites des banques commerciales ne font qu’augmenter et laissent présager une certaine réticence lorsqu’il s’agit d’épargner son argent dans une banque ou dans une institution de micro crédit.

C’est notamment le cas de la Banque congolaise, de la Fibank, de la Mecreco et récemment celui de la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC), qui a englouti d’importantes sommes d’argent de déposants, aujourd’hui aux abois et qui ne savent plus à quel saint se vouer.
Toutes les assurances données par l’autorité de tutelle (la Banque centrale du Congo) en ce qui concerne la sécurisation de l’épargne des déposants, semblent être des « chapelets de bonnes intentions », surtout quand on se rappelle que chaque fois que l’argent des Congolais est englouti par une banque ou une autre institution de microfinance, la Banque centrale du Congo ne se limite très souvent qu’aux déclarations. A cette allure, les déposants risquent d’être de moins en moins intéressés par les banques et autres institutions de microfinance. Ce qui constitue un grand handicap pour la vie économique nationale. Placer ses avoirs dans une banque ou une institution de microfinance risque d’être comparable à un créancier qui éprouve toujours des difficultés au moment de paiement de sa créance.

L’Etat, mauvais payeur

Dans un autre registre, l’Etat lui-même figure parmi des milliers d’insolvables que compte la RDC. A ce jour, l’Etat congolais est en partie responsable des difficultés que traversent les institutions bancaires du pays. Il importe de noter que le démembrement du territoire national en 26 provinces a défavorisé la bonne marche de plusieurs banques. Certaines entités issues de ce découpage administratif n’accueillent à ce jour aucune agence bancaire, faute de dynamisme économique. Cela s’explique en partie par le fait qu’actuellement, dans leur stratégie d’implantation, les banques commerciales privilégient les régions minières, les grandes villes et une poignée de centres urbains dans l’Est du pays. La mauvaise gestion faisant le reste.

« Si la Banque congolaise a fait faillite, c’est à cause de l’Etat. Si la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) est tombée, c’est toujours l’Etat et ses démembrements qui en sont responsables », a fait remarquer, il y a quelques années, le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Deogratias Mutombo.

« Avant le démembrement des nouvelles provinces, les anciens gouverneurs avaient contracté des dettes auprès des banques. Mais, actuellement, les nouvelles provinces ne veulent pas en parler ni restituer cet argent. Les nouveaux gouverneurs ne veulent pas initier des pourparlers sur ce dossier », s’était-il indigné.

De manière subtile, le gouverneur de la BCC a demandé à l’Etat que les domaines financiers soient gérés uniquement par la Banque centrale du Congo. Car, selon lui, le secteur bancaire congolais souffre d’une « fragilité chronique ».

Les statistiques publiées début août 2017 ressortaient le fait que le total du bilan des établissements bancaires en RDC reste insignifiant (5 milliards de dollars) pour un pays de plus de 70 millions d’habitants. Quant au taux de bancarisation, il est nettement en deçà de la moyenne d’Afrique subsaharienne, qui se situe à 25 %. Entre autres facteurs plombant les institutions financières en RDC, certains opérateurs économiques pointent du doigt le fait que certaines banques soient des banques familiales où les responsables se servent «des caisses» sans suivre des procédures requises en la matière et sans être inquiétés.

Les banques s’enrichissent

Dans une étude menée en 2018 par le cabinet Deloitte sur le secteur bancaire en République Démocratique du Congo (RDC), des spécialistes notent que l’année 2018 a révélé une progression continue du Produit Net Bancaire en République Démocratique du Congo. Elle confirme également un renforcement et un enrichissement des banques. Cependant, le secteur bancaire en RDC a du mal à contrebalancer l’augmentation de son coefficient d’exploitation ainsi que la dégradation de la qualité de son portefeuille crédits. Ces différents facteurs expliquent la baisse très marquée du résultat net et de la rentabilité du secteur.

Une activité d’octroi de crédit en net recul

Bien plus, l’étude a constaté une baisse de 10 % du volume des crédits nets sur la période 2016-2017, alors que les chiffres en CDF dévoilaient une hausse apparente (+18%). Selon Deloitte, la part des créances sur la clientèle dans le bilan des banques est passée de 45% en 2016 à 36% en 2017. Une baisse qui s’explique, en partie, par le gel de cette activité de la part de quelques acteurs.

Au cours des années 2016 et 2017, indique Deloitte, les résultats du secteur bancaire congolais ont connu une baisse drastique. Celle-ci s’explique principalement par une contraction des revenus mais surtout par l’augmentation des charges générales d’exploitation : le coefficient d’exploitation a augmenté, passant de 79% en 2016 à 83 % en 2017. Ce niveau est très élevé, si celui-ci est comparé aux banques de la zone UEMOA (66%) et à la constitution des provisions.

Malgré cette situation, toutes les banques locales ont réalisé des résultats positifs en 2017 : la part du PNB généré par les banques locales est ainsi passée de 49 % à 52 % en 2017. Les banques panafricaines ont, quant à elles, connu une baisse, passant de 41% à 38% d’une année sur l’autre.

Innovations règlementaires

Des experts admettent qu’un souffle d’innovations réglementaires pourrait entraîner de profonds changements dans le secteur. « Alors que l’impact réel de ces mesures reste encore à évaluer, l’autorité de régulation s’est lancée dans la production de plusieurs textes réglementaires. La Banque centrale projette également de publier les modifications de certaines instructions ainsi que les projets portant sur les services bancaires gratuits, la continuité des activités ou encore la gestion des plaintes de la clientèle », a relevé Deloitte.

Au regard des 65% de la population vivant en milieu rural, l’Agency Banking (qui consiste à sous-traiter certaines activités bancaires à des agents tiers) contribuerait à améliorer l’inclusion financière du pays.

Selon les résultats de l’enquête de satisfaction faite par Deloitte, la plupart des clients (87%) ont confiance en leur banque. Les banques ont pourtant du mal à fidéliser leurs clients et doivent se réinventer ou innover face à la concurrence.

 

OKM

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