Les cacaoculteurs sont dans une incertitude suite à la décision de l’Union européenne de retirer les matières premières agricoles de son marché. Cette décision découle de l’application de la réglementation européenne « zéro déforestation », qui interdit l’importation de ces produits, issus de terres qui subissent la déforestation.
Il s’agit d’un coup dur pour les cultivateurs congolais qui investissaient déjà dans le domaine agricole. C’est le cas de Ruffin Musimbi, à Beni, dans le Nord-Kivu.
Âgé de 26 ans, il cultive le cacao depuis 11 ans. Il a hérité le champ de ses parents, la principale source de revenu pour sa famille. Il a investi dans la culture de cacao après ses études, cependant, il se dit découragé par la décision de l’Union Européenne, interdisant sur son marché, les matières premières agricoles en provenance de la RDC.
« Ma famille vit de la production de la culture de cacao. Mes parents m’ont payé les frais de scolarité à partir de cacao. Mais cette décision interdisant l’exportation du cacao nous décourage, car nous avions déjà tous investi dans ce produit. Notre crainte est que notre avenir reste incertain. Cette décision nous déçoit et va freiner notre développement », soutient-il.
Avec des terres arables estimées à 80 millions d’hectares et une production déjà certifiée biologique, la République démocratique du Congo garde l’ambition de devenir l’un des acteurs majeurs africains sur le marché mondial du café et du cacao. Le pays exporte à hauteur de 300 000 tonnes de fèves de cacao chaque année. D’après l’Institut de recherche de l’agriculture biologique, il s’agit d’un deuxième exportateur des fèves de cacao biologique en Afrique en 2022. Les exportateurs voient leur économie s’engloutir. C’est le cas de Florent Kibwana Mambura, des établissements Muhindo Lumbuka, qui en exporte des dizaines de tonnes chaque année.
« Si on suspendait aujourd’hui les achats de café et cacao provenant de la RDC sur le marché européen, ça va toucher tous les secteurs. Ça va impacter la vie socio-économique de la population congolaise. Malgré l’insécurité que nous vivons dans l’Est du pays, la population ne cesse quand même de se développer grâce à la culture de cacao et du café », a-t-il expliqué.
D’après cet acteur dans la commercialisation des fèves de cacao, l’Europe achète à elle seule près de 50 % de la production sur le marché mondial. Il craint, cependant, une chute grave de l’économie congolaise. Il demande au gouvernement congolais de se chercher d’autres partenaires dans le marché du cacao.
« Le marché européen prenait une bonne quantité de cacao venu de chez-nous [RDC], presque 50 ou 55 %. Nous appelons le gouvernement à prendre des mesures d’accompagnement des commerçants, en se créant d’autres partenaires si l’Europe insiste sur sa décision. On peut canaliser notre cacao vers d’autres marchés notamment en Asie ou en Amérique qui peuvent avoir besoin de notre cacao », suggère-t-il.
La Féderation des Entreprises du Congo (FEC) considère cette décision de l’Union européenne comme une injustice. Elle affirme que d’importants efforts ont été consentis depuis des années pour assainir le secteur grâce au soutien de partenaires internationaux.
L’Union européenne a annoncé qu’elle mettra en place un règlement ambitieux, à partir du 15 octobre 2025, interdisant l’admission sur son marché des produits agricoles liés à la déforestation.
Cette décision concerne plusieurs matières premières cruciales, notamment le cacao, le soja, le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le bois, les produits bovins, et leurs dérivés, si ces derniers proviennent des terres où la déforestation a eu lieu.
Le Règlement européen sur la déforestation (RDUE) connu sous le nom de Règlement 2023/1115 vise à limiter la déforestation et ses effets négatifs sur la biodiversité et le climat, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
Delphin Mupanda/MCP, Nord-Kivu