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Élections : la part du discours positif ou négatif sur la congolité pour gagner des voix

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Les élections constituent une période privilégiée des discours politiques. Ces derniers atteignent leur point culminant pendant la campagne électorale où chaque candidat choisit la communication électorale la mieux adaptée à la circonstance.

Les communications électorales des acteurs et partis politiques en présence pendant la campagne électorale s’avèrent donc un véritable indicateur de la tendance des événements et de l’enjeu même.

Selon le temps et le profil des protagonistes et l’enjeu, les discours politiques peuvent s’articuler autour des questions purement liées à la gestion de la chose publique dans tous ses aspects. Autrement dit, chaque candidat (sauf celui du pouvoir sortant) choisit de présenter son projet de société en relevant les erreurs du gouvernement sortant.

Dans d’autres circonstances, les discours politiques peuvent prendre des proportions inattendues en étant axés particulièrement sur des considérations subjectives, notamment la nationalité des candidats ou de leurs épouses.

En RDC, la campagne électorale de 2023 a été marquée par le discours sur la congolité. Ce concept toujours employé par l’opposition congolaise, est passée à la majorité au pouvoir. Cela s’explique par le fait que, depuis 2019, l’Union pour la démocratie et le progrès social (Udps) d’Etienne Tshisekedi, parti de l’opposition, a pris les rênes du pouvoir.

En 2006, le discours sur la congolité s’était déjà invité à la campagne électorale. Face à Joseph Kabila (désigné comme l’étranger), Jean-Pierre Bemba était présenté comme le fils du pays “Aza mwana Congo”.

Le deuxième tour de la présidentielle en 2006 entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba avait été le moment de la cristallisation du discours sur la congolité. C’était un appel aux Congolais de souche pour faire obstacle à la prise du pouvoir par l’étranger.

En 2011, Joseph Olenghankoy était l’un des porteurs du discours sur la congolité. L’homme se déplaçait d’une province à une autre avec un coq (fils du terroir qui a toujours été au bercail et à qui il fallait faire confiance) à l’opposé de l’oiseau (l’étranger) qui finira par s’envoler.

Le discours d’Etienne Tshisekedi, également candidat à la présidentielle de novembre 2011, n’était pas moins dépourvu de germes de la congolité. Oscar Kashala en avait également payé les frais en étant présenté comme un citoyen américain.

En 2018, hormis quelques piques contre certains candidats notamment Félix Tshisekedi que l’on avait accusé de détenir la nationalité belge, la campagne électorale a été moins marquée par des discours clivants (étranger-fils du terroir).

Ce discours sur la nationalité a refait surface lors du processus électoral de 2019-2023 reléguant au second plan les projets de société des candidats. Le ton avait été donné par l’initiative de Noël Tshiani sur le projet dit “de père et de mère”. Puis la campagne électorale s’en est emballée. Mukwege et Katumbi ont été les principales cibles du discours sur la congolité.

En somme, le discours sur la nationalité (ivoirité, congolité et autre) est utilisé comme un vibrant appel contre un danger qui guette la nation. C’est une communication visant les masses “silencieuses” et qui les invite à “prendre leur destin en main”.

Clairement, cette massification de la communication électorale a comme objectif de mobiliser tous azimuts la partie de l’électorat moins intéressée par le vote le jour-j. Elle a comme conséquence positive d’augmenter le taux de participation à l’élection. A contrario, il peut servir de tremplin à la violence entre le camp du “fils du terroir” et celui de l'”étranger”.

Autrement dit, lorsque le politique, pendant la période électorale, se trouve en face d’un adversaire majeur, il peut se permettre, dans le jeu électoral, de donner des coups en dessous de la ceinture sans crainte d’être sanctionné. Quitte à l’adversaire de savoir encaisser et se défaire du piège.

Mais il arrive également que la communication électorale vise la “demassification (démobilisation) de l’électorat”. Cela arrive souvent lorsqu’il n’y a pas d’autres arguments pour battre son adversaire que de démobiliser son électorat par des stratégies propres aux politiciens.

Le 20 décembre 2023, selon les résultats de la présidentielle publiés par la Ceni, le discours sur la congolité a produit des effets positifs pour l’Union sacrée. Le profond écart entre Félix Tshisekedi et ses différents adversaires politiques et l’engouement observé dans les bureaux de vote indiquent clairement une massification de la communication du candidat numéro 20. C’est peut-être à cela qu’ont finalement servi tous les débats sur la nationalité lancés en période préélectorale comme des ballons d’essai pour doper les électeurs.

Si c’est le cas, tout le mérite devrait donc revenir à Noël Tshiani (initiateur du projet de loi dit de père et de père) et au Rwanda (instigateur désigné de la guerre de l’Est) qui ont préparé, consciemment ou inconsciemment, le lit à Félix Tshisekedi.

Jules Tambwe

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