Quid de l’implantation des stations-services à travers la capitale?
Depuis des lustres, tous les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir en République démocratique du Congo, n’appliquent jamais le dicton qui dit : « mieux vaut prévenir que guérir ». Mieux, aucune mesure n’est prise pour éviter aux populations, un danger permanent. Au contraire, toutes les mesures ne sont prises avec pompe que lorsqu’il y a une catastrophe. Mais souvent, on déplore déjà les dégâts corporels et matériels.
L’exemple le plus récent est celui d’un incendie qui s’est déclaré dernièrement dans un dépôt de carburant au quartier De bonhomme dans la commune de Matete, lequel a causé plusieurs blessés et mort d’homme. Et comme pour faire valoir son autorité, le gouvernement de la république par le biais de son ministre des Hydrocarbures, Didier Mudimbu, a décidé de fermer les dépôts de vente de carbures disséminés à travers la ville-province de Kinshasa, afin d’épargner la population de tout autre incendie qui pourrait survenir.
Le ministre des Hydrocarbures l’a indiqué lors de sa descente sur les lieux du drame en compagnie de la brigade des Hydrocarbures, pour rassurer la population du déploiement de cette brigade, afin d’identifier les sites où sont stockés les carburants et procéder à la fermeture de tous les dépôts pirates non en règle avec le texte qui régissent ce secteur. Didier Budimbu a également fait savoir que ses services vont aussi répertorier toutes les stations-services à travers la capitale et à Lubumbashi ainsi que ceux qui naissent à travers tout le territoire national, précisant que les sites qui se trouvent dans un lieu non approprié et ne respectant pas les conditions requises pour un fonctionnement sécurisé, se verront arrachés par le ministère leur permis d’exploitation.
Si le ridicule pouvait tuer
Ce qui est qui étonnant dans la réaction du ministre Budimbu, c’est le fait que toutes les stations d’essence qui naissent comme des champignons ainsi que tous les dépôts, ont été implantées hors normes ou en complicité avec ses services. Il a fallu attendre le drame de De bonhomme pour qu’enfin le ministre s’en rende compte. De là, les sceptiques risquent de relancer le débat contre les ministres qui n’attendent que des dossiers alléchants dans leurs bureaux climatisés.
Sinon, comment comprendre qu’un ministre en fonction puisse décider de déployer ses services près d’une année après son entrée en fonction, pour identifier les sites où sont stockés les carburants et procéder à la fermeture de tous les dépôts pirates non en règle avec le texte qui régissent ce secteur ? D’autres questions similaires peuvent également être posées au ministre Didier Budimbu, s’il connaît finalement le nombre réel des stations-services implantées à travers le territoire national ? En outre, le ministre sait comment ses services procèdent-ils à la délivrance des autorisations, lorsque lui-même veut chercher à connaître les stations implantées dans des sites non appropriés et ne respectant pas les conditions requises pour un fonctionnement sécurisé ? Autant des questions qui suscitent des inquiétudes dans l’opinion.
Comme le malheur ne vient jamais seul, un autre incendie spectaculaire a détruit des dizaines d’habitations à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï-central. Là aussi, un dépôt de carburant a pris feu, dégageant des flammes géantes et une épaisse fumée noire. Le feu s’est déclaré dans un quartier résidentiel. Les secours peinaient à éteindre ce feu quatre heures plus tard.
Comme pour paraphraser le ministre national des Hydrocarbures, le ministre provincial des Hydrocarbures, Flavien Nkui, a également promis la mise en place d’une commission pour enquêter sur les raisons de l’accident, évaluer le bilan matériel, et en tirer les conséquences. « On ne peut pas laisser des dépôts des produits inflammables dans une zone résidentielle », a-t-il finalement dénoncé, oubliant que c’est eux qui doivent réguler le secteur (sic !).
Plusieurs incendies dans des dépôts de carburant
Par le passé, plusieurs incendies s’étaient également déclarés dans des dépôts de carburant au quartier de Kimbangu (commune de Kalamu) et au quartier Simba (commune de Ngiri-Ngiri), sans que des mesures idoines n’aient été prises. Même chose à Lubumbashi où un incendie s’était déclaré en 2007 au quartier industriel de la commune Kampemba. Des témoins avaient affirmé que le feu était parti d’un court-circuit sur un camion-citerne. L’explosion qui s’en était suivi avait semé une panique au sein de la population.
Au cours de la même année, un dépôt contenant 25 fûts d’essence s’était consumé à Kalemie. Le feu s’était vite propagé dans une dizaine de maisons qui ont été toutes consumées. Heureusement qu’il n’y avait aucune perte en vies humaines, à part deux blessés.
En février 2020, un incendie est survenu à Kananga au Kasaï central, consumant plusieurs dépôts de gasoil et des maisons d’habitation sur avenue Lusambo dans la commune de Ndesha. Des témoins avaient affirmé qu’une dame venue s’approvisionner avec sa jeep au dépôt de maman Muambuyi (mère double), avait décroché un appel téléphonique qui a provoqué le feu. Tous les dépôts environnant ont commencé à prendre feu jusqu’à toucher les maisons des privés. Une femme s’était brûlée vive, car elle n’a pas su se déplacer à cause de son âge avancé. C’était le deuxième incendie après celui du mois d’octobre 2019 dans la même ville.
En avril 2021, un dépôt de carburant avait également pris feu au quartier Buima dans la ville de Matadi, province du Kongo central, causant d’énormes dégâts matériels.
L’alerte des députés provinciaux : un coup d’épée dans l’eau
Au cours d’une plénière de l’Assemblée provinciale de Kinshasa tenue en juin 2021, des députés provinciaux craignant le pire et choqués par le désordre qui a élu domicile à Kinshasa, étaient montés au créneau pour dénoncer l’anarchie dans le secteur pétrolier. Il s’agit de trois élus dont Peter Kazadi, élu de la commune de Lemba, Buambutu Jeef, élu de la commune de Kinshasa et Mike Mukebayi, élu de la commune de Lingwala.
Ils ont tiré la sonnette d’alarme sur les dangers d’incendie qui menacent de brûler la ville de Kinshasa et avaient prévenu que si l’on n’y prend garde, un incendie généralisé ferait partir en fumées de milliers de mètre cubes de carburant gérés par des mains inexpertes.
Si l’élu de Lemba s’était insurgé contre l’érection d’une station-service en face de l’ex- camp Mobutu, avec dans son souterrain, un grand réseau des câbles électriques de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) et à côté d’un mur qui bloque délibérément des familles entières à se mouvoir librement pour vaquer à leurs occupations quotidiennes, l’élu de la commune de Kinshasa avait dénoncé la construction d’une station-d’essence au croisement des avenues Kabinda et Huileries, précisément à l’endroit réservé au site destiné à déverser les déchets de ménages avant leur transfert vers le centre d’enfouissement.
De son côté, l’élu de Lingwala avait éclairé la plénière sur un plan qui est déjà mis en exécution, lequel consiste à ériger 50 stations-service sur l’ensemble de la capitale, avec la complicité d’opérateur pétrolier qui a mis du paquet dans l’affaire.
La plénière avait alors levé l’option sur proposition du président de l’Assemblée provinciale, Godé Mpoyi, de mettre sur pied une commission d’enquête pour tirer au clair le dossier d’érection de stations d’essence à travers toute la ville de Kinshasa. Dieu seul sait à quel niveau se trouve cette commission d’enquête dans un pays où le suivi a toujours posé problème.
Érection des stations-service
En ce qui concerne l’érection des stations-services, l’opinion n’arrive pas à comprendre cette ruée à travers l’implantation des stations-service qui viennent se juxtaposer avec les anciennes, ou les concurrencer.
Curieusement, ces différentes constructions se font dans la confusion totale sans le moindre respect de normes en la matière, aussi bien dans la construction que dans le stockage des produits pétroliers. Un produit inflammable à haut risque, représente un danger majeur. Pour les observateurs avertis, le silence des autorités ayant dans leurs attributions la gestion du carburant et la protection des personnes et de leurs biens, sent le roussi.
Comme si cela ne suffisait pas, Kinshasa est devenu depuis des décennies, un réservoir de stockage à souhait du carburant, dont les sources de ravitaillement sont douteuses. Les parcelles où vivent des familles entières sont transformées par des opérateurs pétroliers, en grands entrepôts de stockage du carburant.
La place « Mariano » dans la commune de Ngiri-Ngiri est parmi le grand centre de négoce où le carburant est vendu à ciel ouvert, comme des petits beignets. Dans les parcelles, les familles cohabitent avec des fûts d’essence, du pétrole, de gas oil et autres lubrifiants qui les exposent quotidiennement à la mort.
Par ailleurs, des plaignants de plusieurs incendies ayant ravagé leurs biens, attendent depuis près de 5 à 6 ans, pour être rétablit dans leurs droits.
Que conclure ?
Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu d’inviter les collaborateurs du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, de l’accompagner dans sa lutte acharnée contre les antivaleurs et l’instauration d’un véritable Etat de droit dépourvue de la corruption. Ce phénomène serait vraisemblablement à la base de l’érection des stations-services et de l’existence des dépôts clandestins. « Il suffit de corrompre seulement les services concernés et le bourgmestre, pour se voir octroyer toutes les autorisations », a confié un habitant du quartier Kimbangu à la presse, déplorant aussi le comportement de l’Etat congolais qui ne met pas ses travailleurs à l’abri de la corruption. « Comment un agent qui n’arrive pas à nouer les deux bouts du mois par son salaire, peut-il refuser les pots de vin ? », s’est-il écrié.
Aux dernières nouvelles, on fait savoir que le dépôt qui a pris feu au quartier De bonhomme à Matete appartient à un cadre du ministère des Hydrocarbures.